Verdissement et santé publique

Résumé: Afin que les bénéfices du verdissement en milieu urbain ne soient pas ternis par des conséquences fâcheuses pour la santé publique par l’augmentation des allergies au pollen et ses coûts afférents, les élus et les gestionnaires publics doivent adapter les pratiques actuelles pour qu’elles soient cohérentes avec la santé publique.

Les appels pour plus de verdissement en milieu urbain afin de répondre aux demandes de soutien à la biodiversité, d’adaptation aux changements climatiques incluant la diminution des îlots de chaleur, ou d’autres bénéfices pour la santé humaine se traduisent à Montréal par une déminéralisation d’espaces, la transformation des terre-pleins en espaces fleuris et la création de nouveaux parcs champêtres et c’est très bien.

Comme noté par le Fonds vert en 2017 dans le cas des pratiques de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal, le verdissement peut générer la prolifération d’herbe à poux: « Parmi les actions de verdissement réalisées, plus de 1 500 fosses de plantation d’arbres en carrés de trottoir ont été agrandies entre 2010 et 2015. Des saillies de trottoir ont également été créées de même que des bandes verdies le long des rues. Ces augmentations d’espaces verts ont eu des bienfaits considérables, mais ont entraîné un effet secondaire moins intéressant, soit la prolifération de l’herbe à poux ».

Suite à ce constat, l’arrondissement a entrepris l’arrachage sélectif de l’herbe à poux et conscientisé ses résidents. On peut constater en octobre 2018 une nette réduction de sa présence.

Rue Bernard septembre 2016. Venez voir ce parcomètre en 2020, il n’y a plus d’herbe à poux, on l’a arrachée en même temps que l’on débarrassait le Champ des Possibles avec le projet 3 X 3 OUT répertorié sur Biopolis.

Deux types de pollen allergènes sont à considérer dans l’aménagement du verdissement en milieu urbain: le pollen d’herbe à poux et le pollen des arbres. Si l’herbe à poux est responsable de 75% des allergies saisonnières selon l’INSPQ, les allergies aux pollens d’arbres vont en augmentant principalement dû à la pratique des pépiniéristes de proposer une majorité d’arbres mâles depuis les 40 dernières années pour éviter les fruits au sol.

www.mnn.com/health/allergies/stories/botanical-sexism-making-allergies-worse

L’herbe à poux

L’herbe à poux est présente partout à Montréal. Les terrains publics n’y échappent pas. Par exemple, les parcs de l’arrondissement CDN-NDG étaient particulièrement touchés en 2017. On en a aussi localisé dans le grand parc Frédéric-Back en 2017 et 2018.

Parc Frédéric-Back 2017. Ce plant en générera beaucoup d’autres. À ce stade il aurait dû être coupé à ras de terre et jeté à la poubelle.

Les mesures actuelles de contrôle de l’herbe à poux qui consistent à faucher deux fois par été mi-juillet et mi-août sont inadaptées au contexte urbain. Développé principalement pour des terrains agricoles et des bords d’autoroute, ce type d’intervention ne répond pas aux besoins de conservation d’une flore diversifiée qui serait envahie ou mêlée à de l’herbe à poux. C’est pourquoi l’arrachage sélectif de l’herbe à poux se révèle une meilleure avenue.

Le protocole 3×3 out! d’arrachage sélectif développé par la citoyenne Irène Mayer a été mis en application à l’été 2017 au Champ des Possibles (arrondissement Plateau-Mont-Royal). Il consiste à faire trois arrachages par année pendant trois ans. L’aspect novateur de cette approche réside d’une part dans l’arrachage plutôt que le fauchage et d’autre part, dans le troisième arrachage à la fin de septembre, action qui présume que la minimisation de la quantité de nouvelles graines au sol aura un impact sur l’infestation de l’année suivante. Plus de 160 000 plants ont été arrachés sur ce terrain infesté de 1,6 ha en 2017. En octobre 2018, on constate une nette diminution des plants d’herbe à poux car moins de 10 000 plants furent arrachés cette année-là. Le projet-pilote se continue mais d’ores et déjà, on peut être optimiste quant aux bénéfices de cette approche sur le contrôle serré de cette plante hautement allergène qui rend malade une personne sur 8. En 2021, on observe de très rares plants ou des talles de 30 à 50 plants issus d’un plant oublié l’année précédente. L’entretien ne nécessite plus de corvées collectives, seulement un passage début juillet.

Le sexe des arbres

Selon l’Étude canadienne sur les allergies en milieu urbain, 97% des arbres de rues à Montréal sont mâles. La popularité des arbres mâles peut venir de leur faible entretien pour les services publics par rapport aux arbres femelles qui portent et laissent tomber des fruits dans l’espace public. Cependant, la prédominance d’arbres mâles et le nombre insuffisant d’arbres femelles pour capter le pollen a comme conséquence d’augmenter la pollution pollinique pour les humains. Les surfaces dures contribuent à la remise en suspension des pollens et la diminution des pollinisateurs augmente le nombre de pollens non absorbés et leur interactions avec les polluants chimiques. De plus, certains arbres ont un potentiel allergène plus élevé que d’autres. Ainsi, une gestion responsable des arbres à Montréal doit inclure un meilleur équilibre mâle-femelle et une sélection d’arbres avec un potentiel allergénique faible.


On peut dire qu’il y a un tabou du clone mâle… les gens sont réticents à entendre ces mots et ont peine y croire.

Conclusion

Si le verdissement à Montréal ouvre un nouveau chapitre en aménagement, ce chapitre doit d’abord inclure une définition du comportement responsable des élus face aux conséquences sur la santé publique ainsi qu’un respect des promesses de la Charte montréalaise des droits et responsabilités quant à l’augmentation constante de la qualité de l’air. Par conséquent, les pratiques de verdissement incluant l’entretien des parcs, des carrés d’arbres, des trottoirs et saillies de trottoirs ainsi que l’aménagement et le réaménagement de parcs de toutes sortes et de parcs à chiens doivent être revues en vue d’un contrôle sévère du pollen dans l’air. Les élus doivent s’assurer que les pépiniéristes proposent une mixité sexuelle d’espèces diversifiées.

RÉFÉRENCES

Bonneau, Line (21 novembre 2017). Proposition de stratégie d’éradication de l’herbe à poux dans les parcs de l’arrondissement CDN-NDG. Document déposé au conseil d’arrondissement de CDN-NDG. Voir dans la section arrondissement.

MSSS. Fonds vert. Contrôle des pollens allergènes dans 3 municipalités québécoises à l’été 2016: des résultats convaincants!, Publication no : 17-244-01W, Mise en ligne: 11 mai 2017.
http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001905/

Pollenation (s.d.). Étude canadienne sur les allergies en milieu urbain réalisée par Thomas Leo Olgen, la référence en la matière selon le professeur Alain Paquette de l’UQÀM.

http://file.marketwire.com/release/PolleNation_Report_FRE.pdf